FRANCOIS VOUGA (1948-....), JESUS CHRIST, NOUVEAU TESTAMENT, PÂQUES OU RIEN : LA RESURRECTION AU COEUR DU NOUVEAU TESTAMENT, PÂQUESS, RESURRECTION, RESURRECTION DE JESUS

Pâques ou rien : la Résurrection au coeur du Nouveau Testament

Pâques ou rien : la Résurrection au cœur  du Nouveau Testament 

François Vouga ; Jean-Pierre Favre

Genève, Labor et Fides, 2010. 374 pages

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Un large consensus existe sur la valeur universelle de l’enseignement de Jésus, alors que la foi en sa résurrection éveille bien des doutes. Pourtant, l’apôtre Paul en fait le cœur  de la foi en écrivant aux Corinthiens que  » s’il n’y a pas de résurrection des morts, alors vide est notre foi « . Que recouvre donc historiquement, physiquement, psychologiquement et religieusement l’affirmation que « Jésus est ressuscité des morts n? Spécialiste du christianisme primitif, François Vouga propose une lecture des récits évangéliques et des réflexions que le Nouveau Testament consacre à l’événement de Pâques. Constatant que les évangiles tirent leur raison d’être de la résurrection de Jésus, il montre ensuite que celle-ci s’impose dès le début de la présentation qu’ils nous font de son histoire, et comment elle renouvelle notre regard sur la vie quotidienne. Jean-François Favre appuie cette lecture en rendant compte de la manière dont Fra Angelico, Le Greco, Rembrandt, Cézanne ou Bazaine font apparaître, dans la réalité, la présence transcendante de Pâques.

Biographie de l’auteur

François Vouga est né à Neuchâtel en 1948. Après avoir été pasteur à Avully et Chancy (Genève), professeur de Nouveau Testament à Montpellier et à Bethel/Bielefeld, professeur invité à la Faculté vaudoise de Rome et professeur honoraire à Québec, il est professeur émérite de la Faculté libre de théologie de Wuppertal et habite en Franche-Comté.
Il a publié d’importants ouvrages d’histoire et de théologie du christianisme.

ENFANCE DE JESUS, EVANGILE SELON MATTHIEU, JESUS CHRIST, LA FUITE EN EGYPTE, NOUVEAU TESTAMENT

La fuite en Egypte

La Fuite en Egypte

Famille, premier témoin de l’adversité subie par Jésus

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La fuite en Égypte, GiottoParcourant les routes de la Bible, quelle plus belle évocation que celle empruntée par la Sainte Famille ? C’est cette route qui la mena vers l’Égypte lorsqu’elle dut fuir la répression décidée par le roi Hérode à son encontre, faisant ainsi la preuve de l’adversité subie par le Fils de l’Homme dès son plus jeune âge…

Jésus vient de naître dans une grotte de Bethléem, la scène est connue de tous. Mais la suite de cette histoire demeure plus cachée, au point que de nombreuses questions demeurent. En effet, alors que les rois mages avaient pris un autre chemin afin de ne pas divulguer au roi Hérode le lieu où se trouvait le divin enfant, l’ange du Seigneur apparût à Joseph en songe et lui intima  (Mt 2, 13) : 

« Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »

C’est alors, nous précise Matthieu, seul évangéliste à avoir relaté ces faits tragiques, que Joseph se leva en pleine nuit et obéit à l’ordre céleste. Il prit son enfant et son épouse Marie et « se retira en Égypte »… Les évangiles n’en disent pas plus si ce n’est que la Sainte Famille resta dans ce pays « jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils ». (Mt 2, 15)

Quelle fut donc cette route que dut ainsi prendre Jésus avec son père et sa mère face à ce danger terrible ?

Un chemin historiquement identifiable

Les chercheurs estiment de nos jours que ce voyage aurait duré plus de deux ans correspondant à la volonté radicale du roi Hérode de massacrer tous les enfants de moins de deux ans.

Les chercheurs estiment de nos jours que ce voyage aurait duré plus de deux ans, correspondant à la volonté radicale du roi Hérode de massacrer tous les enfants de moins de deux ans. Le terme du voyage peut être également estimé, puisque la Bible précise que Jésus y « resta jusqu’à la mort d’Hérode ». Ce long voyage aurait ainsi duré plus de deux années à pied et à dos d’âne, certaines traditions évoquant les poursuites incessantes d’ennemis à leur recherche tout au long du trajet…

La sainte Famille aurait ainsi sillonné le Sinaï par sa côte orientale, puis le delta du Nil pour se diriger vers Wadi el-Natrun (au nord-ouest du Caire), et s’arrêter aux portes mêmes du Caire avant de revenir par la Haute-Égypte en Galilée, soit près 3.500 kilomètres. 

Depuis 2014, nombre de sites, monastères et églises jalonnant la route de la Sainte Famille ont été restaurés, voire réouverts, dont « La grotte de la Vierge Marie » en 2018 située à proximité de « l’arbre de Marie » à el-Matariya, où la Sainte Famille aurait trouvé refuge.

Un parcours en étapes 

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Ce parcours identifié débuterait par Farama en Basse-Égypte ou, selon les itinéraires, par Samanoudà, environ 140 kilomètres au nord-est du Caire dans le gouvernorat de Gharbeya. En ces lieux, la Sainte Famille serait demeurée selon la tradition copte 17 jours, et Marie y aurait aidé une boulangère… 

Puis, celle-ci se serait dirigée vers Tell Basta (Boubatis) selon les textes coptes — où Joseph aurait creusé un puits en raison de l’importante chaleur des lieux, situés dans le Delta du Nil. Viennent ensuite des sites identifiés par la tradition copte tels celui de Burullus et son monastère de Sainte-Damienne datant du IIIe siècle, celui de el-Matareya (banlieue du Caire) correspondant à l’antique Heliopolis, où la famille en fuite se serait abritée à l’ombre d’un arbre nommé depuis « l’arbre de la Vierge » ou encore Jabal al-Tayr et l’église de la Vierge Marie dans la province de Minya. A ces étapes peuvent être également ajoutées le site de Sakha dans le Delta conservant l’empreinte du pied de l’Enfant Jésus ou encore l’église de Maadi…

Le voyage se termine à  Assiout en Haute-Égypte avec le monastère de la Vierge Marie Al-Muharraq situé au sud du Caire à environ 330 km, l’un des lieux de culte les plus anciens et le plus sacré pour les Coptes. 

Au terme de ce long voyage, rappelons la méditation offerte par le pape François lors de son Angélus du 29 décembre 2013 :

« La fuite en Égypte, à cause des menaces d’Hérode, nous montre que Dieu est là où l’homme est en danger, là où l’homme souffre, là où il fuit, là où il fait l’expérience du refus et de l’abandon ; mais Dieu est aussi là où l’homme rêve, espère rentrer libre dans sa patrie, fait des projets et des choix en faveur de la vie et la dignité, pour lui-même et pour sa famille. »

https://fr.aleteia.org/2022/09/27/la-route-de-la-sainte-famille-temoin-de-ladversite-subie-par-jesus-des-son-enfance/

Où a vécu la Sainte Famille en Égypte ?

Poussin-Fuite_en_Egypte-MBA-LyonJésus n’a pas fait ses premiers pas à Bethléem ou à Nazareth, mais bien en Égypte.

On oublie facilement qu’une partie de l’enfance de Jésus s’est passée en dehors de Bethléem et de la Terre sainte. Forcée à l’exil par le roi Hérode, la Sainte Famille a fui en Égypte et y est restée plusieurs années. C’est fascinant d’imaginer cette période de la vie de Jésus. A-t-il vu les anciennes pyramides ? Et le grand fleuve du Nil ?Avant d’énumérer les endroits où la Sainte Famille a pu séjourner lors de son exil en Égypte, relisons d’abord le récit de saint Matthieu :

« Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : “Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr.” Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils. » (Mt 2, 13-15)

Les historiens ne sont pas tous d’accord sur la date de la mort du roi Hérode. Selon certains, il serait mort en 4 av. J.-C., alors que d’autres prétendent qu’il est mort en l’an 1 apr. J.-C. Quelle que soit la date exacte, selon la tradition, la Sainte Famille a vécu quatre ans en Égypte. Comme il est beau d’imaginer le petit Jésus faire ses tous premiers pas et prononcer ses premiers mots en Égypte !

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Le périple égyptien

Selon la tradition, la première halte de la Sainte Famille a eu lieu dans la ville de Farma, à l’est du Nil. Puis ils auraient continué jusqu’à Mostorod, un village au nord du Caire. La tradition raconte qu’après leur passage, une source aurait jailli près de la ville. Ils se sont ensuite arrêtés à Sakha, où l’église de la Sainte Famille garde encore aujourd’hui une pierre ayant conservé l’empreinte de pas de l’Enfant-Jésus.  

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Puis ils se sont dirigés vers Wadi El Natroun, avant de s’arrêter aux portes du Caire. Ici, un arbre les aurait protégé du soleil. Lors du voyage, ils auraient vraisemblablement vu les anciennes pyramides d’Égypte. Peut-être se sont-ils même arrêtés pour les contempler. La Sainte Famille s’est ensuite rendue au Vieux Caire, puis s’est dirigée vers le sud pour arriver dans la région de Maadi, où ils ont embarqué sur un petit bateau en direction de Deir El Garnous et de Gabal Al-Teir.

Leur séjour le plus long en Égypte était à Gabal Quoskam. Ils seraient restés ici environ six mois. Avant de rentrer chez eux, ils auraient fait une dernière halte à Assiout. Le peuple copte est très fier de ce chapitre spécial de la vie de Jésus et conserve une dévotion très forte à la Sainte Famille, qui a voyagé et vécu parmi eux durant les premières années de la vie de Jésus.

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https://fr.aleteia.org/2018/01/19/ou-a-vecu-la-sainte-famille-en-egypte/

ADORATION DES MAGES, CLAUDE TRICOIRE (1951-...), ENFANCE DE JESUS, EPIPHANIE, EPIPHANIE DU SEIGNEUR, EVANGILE SELON SAINT MATTHIEU, JESUS CHRIST, NOEL, NOUVEAU TESTAMENT, ROIS MAGES

Les mages, premiers convertis

Les mages, les premiers convertis

L’adoration des Mages

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Après la naissance de Jésus à Marie et Joseph sont restés à Bethléem même si personne ne sait combien de temps. Après le départ des bergers peut-être ont-ils pu trouver un lieu où loger, un lieu un peu plus grand que l’étable. Nul ne sait si les habitants de la bourgade de Judée sont venus voir l’enfant Jésus.

 Si Marie et Joseph pensaient en avoir fini avec les visites et prendre un peu de temps pour se reposer, ils se trompaient ! D’autres évènements les attendaient et allaient bouleverser leur vie et celui de Jésus.

Après la visite des bergers Matthieu dans son évangile nous dit que des mages venus d’Orient sont venus adorer l’Enfant-Dieu. Ils auraient son étoile dans le ciel et tout remplis d’une grande joie seraient ensuite venus pour lui rendre hommage. Nous ne savons rien de ces personnages : les textes ne nous disent pas comment ils ont eu cette révélation, nous ne connaissons ni leur nom ni leur nombre. La tradition en fait trois rois sans doute pour représenter les trois continents connus jusqu’alors (Asie, Europe et Afrique) et des rois, signe que les puissants doivent s’agenouiller devant la majesté divine.

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 Alors les mages sont partis venant sans doute d’Arabie ou de Perse pour venir jusqu’à Jérusalem en suivant l’étoile. Il faut dire qu’à cette époque pour voyager il n’y avait nul besoin de visa, de passeport ou de carte d’identité pour passer les frontières  Heureux temps où l’on ne risquait pas de se faire refouler à une frontière si les formulaires n’étaient pas en règle !

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 Ainsi donc une fois arrivé à Jérusalem ils se rendent auprès du roi Hérode pour s’enquérir de l’endroit exact où devait naître le roi des Juifs puisque l’étoile avait disparu. On imagine aisément la stupeur d’Hérode quand on connaît le personnage, roi par la volonté des Romains et jaloux de son pouvoir au point de faire assassiner tous ceux qui lui font de l’ombre ; on peut comprendre aussi l’émoi des pharisiens et des scribes du Temple qui doivent compulser les Ecritures pour donner une réponse ; et effectivement ils la trouvent « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » (Livre de Michée 5,2).

Pourtant les chefs religieux se contentent de donner le renseignement demandé.

Les mages eux au sortir de cette rencontre retrouvent l’étoile qui va les menés de Jérusalem à Bethléem. Cette étoile va les amener là où réside l’enfant : à cette vue ils sont « remplis d’une très grande joie » nous dit Matthieu.

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 Entrés dans la maison où réside Jésus avec sa mère et son père, ils voient donc l’enfant, Marie et Joseph. Aussitôt ils s’agenouillent devant l’Enfant-Dieu et lui offrent leurs présents : l’or qui est le signe de royauté, l’encens qui est celui de la divinité et la myrrhe celui de l’éternité. Bien sûr ce ne sont guère des cadeaux pour un nouveau-né surtout quand on connait dans quelle précarité de la situation de cette famille : mais pour les mages c’est le signe qui dit qu’ils reconnaissent dans cet enfant le roi des Juifs, le Messie tant attendu.

 C’est donc de nuit que se sont faites ces rencontres : la nuit où les bergers veillaient sur leurs troupeaux, la nuit quand dort le peuple juif que les mages sont venus. C’est dans la nuit obscure et dans un colloque muet que le Messie s’est révélé. Il ne s’est pas révélé aux lettrés du pays, aux pratiquant fervents de la loi mosaïque mais à de simples bergers et à des païens.

 Ce passage de l’Evangile de Matthieu nous bien plus qu’un simple épisode de la vie de Jésus. Il nous dit que Dieu se révèle à ceux dont le cœur est assez ouvert pour la rencontre, qu’il se révèle aux petits et à tous les chercheurs de Dieu. Il nous offre l’espérance que le salut est offert à tous. Il préfigure aussi l’avenir de Jésus : les Juifs qui connaissaient bien les Ecritures ne l’on pas reconnu. Rejeté par les siens dès sa naissance jusqu’à sa mort sur la Croix.

 « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu ! » (Jn 1,11)

©Claude Tricoire

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Evangile selon saint Matthieu

 Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem

et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »

En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.

Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »

Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »

Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Evangile selon Matthieu (2, 1-12)

 

JEAN TAULER (1300-1361), JESUS CHRIST, MEDITATIONS, NATIVITE DE JESUS, NOËL, POEME, POEME DE JEAN TAULER SUR LA NATIVITE, POEMES, PRIERE, PRIERES

Poème de Jean Tauler sur la Nativité

 Poème de Jean Tauler sur la Nativité

Jour 8 : un poème sur la Nativité par Jean Tauler — Narthex

 GRADUEL DOMINICAIN. MANUSCRIT SUR PARCHEMIN, XIVE S., COUVENT DES SŒURS D’UNTERLINDEN DE COLMAR

Il nous arrive un navire,
Il porte une charge précieuse,
Des troupes d’anges s’y trouvent,
Il a un grand mât.

Le navire nous arrive, chargé,
C’est Dieu le Père qui l’a envoyé,
Il nous apporte un grand secours,
Jésus, notre sauveur.

Le navire nous arrive doucement,
Il touche au bord ;
Il a ouvert le ciel,
Et nous a envoyé le fils.

Marie a conçu
De sa chair et de son sang
Le petit enfant prédestiné.
Il fut homme et le vrai Dieu.

 Le voici couché dans le berceau,
Le cher enfançon,
Sa figure rayonne comme un miroir :
Qu’il soit loué !

Marie, mère de Dieu,
A toi nos louanges !
Jésus est notre frère,
Le cher petit enfant.

Je voudrais embrasser l’enfant
Sur sa bouche gracieuse,
Et si j’étais malade, pour sûr,
Cela me donnerait la guérison.

Marie, mère de Dieu,
Tes louanges se chantent partout !
Jésus est notre frère,
Il te donne une grande dignité.

– Recueil de Cantiques, 1543.

Jean Tauler est né vers 1300 à Strasbourg et mort le 16 juin 1361. C’est un théologien, un mystique et un prédicateur alsacien influent. Il fut le disciple strasbourgeois de Maître Eckhart, théologien et philosophe dominicain, le premier des mystiques rhénans. L’œuvre de Tauler se distingue par son talent de prédicateur, concret, évitant les longues spéculations. Il recourt volontiers à la poésie et fait comprendre les intuitions d’Eckhart à l’aide d’images. Ainsi ce navire à la charge précieuse est un don du ciel, le soir de Noël.

BIOGRAPHIES, HOMELIES, JESUS CHRIST, LE SEIGNEUR DE ROMANO GUARDINI, LITTERATURE CHRETIENNE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, LIVRES DE SPIRITUALITE, MEDITATIONS, ROMANO GUARDINI (1885-1968)

Le Seigneur de Romano Guardini

Le Seigneur : méditations sur la personne et la vie de Jésus-Christ

Romano Guardini ; Préface de Benoît XVI ; Postface de Jean Greisch

Paris, Salvator, 2018. 656 pages

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Quatrième de couverture

A bien des égards, Romano Guardini a vécu à une époque très différente de la nôtre, mais aujourd’hui comme hier, il demeure vrai que le péril pour l’Eglise, et pour l’humanité, consiste à délaver l’image de Jésus-Christ en tentant de façonner un Jésus selon nos propres standards, de sorte que nous ne le suivons pas en tant que disciples obéissants, mais le recréons à notre image.Cependant, même à notre époque, la rédemption consiste simplement en ce que nous devenons vraiment réels. Et nous ne pouvons y accéder qu’en redécouvrant la vraie réalité de Jésus-Christ et en discernant, par lui, le chemin d’une vie droite et juste. Le Seigneur de Romano Guardini n’a pas vieilli précisément parce qu’il continue à conduire vers ce qui est essentiel, vers celui qui est vraiment réel, Jésus-Christ en personne. Aujourd’hui encore, ce livre a donc une importante mission à accomplir.

Une recension

Pourquoi rééditer aujourd’hui une œuvre théologique déjà ancienne (parue en 1937 en Allemagne) et au contenu particulièrement dense (plus de 600 pages) ? C’est le pari audacieux des éditions Salvator qui nous proposent ici une réédition d’une œuvre majeure de Romano Guardini. Nous nous souvenons aujourd’hui surtout de Guardini pour sa participation au mouvement liturgique, mais ses méditations sur la personne et la vie de Jésus-Christ ont également nourri des générations entières de nos aînés dans la foi.

Il s’agit bien ici de méditations spirituelles, issues d’homélies prononcées durant quatre ans par Guardini, particulièrement renommé en son temps pour son charisme et ses talents de prédicateur. Bien que ces allocutions aient été remaniées par leur auteur en vue de leur publication, elles conservent toute la fraîcheur et la simplicité d’une homélie adressée personnellement à une assemblée de fidèles. Le style littéraire employé est plutôt simple et accessible pour un ouvrage de théologie, et l’ensemble est surtout divisé en courts chapitres (près d’une centaine au total) ce qui rend la lecture plutôt agréable.

Comme le titre de l’ouvrage de laisse paraître, ces méditations ont toutes pour objet la personne du Christ Jésus. Mais Guardini n’a pas voulu écrire ici un ouvrage de christologie systématique : il propose plutôt à son lecteur un parcours d’identification et de reconnaissance de la personne du Christ, en lui racontant certaines paroles et évènements de la vie de Jésus. L’ensemble, s’il n’a pas vocation à être exhaustif, est tout de même assez complet, et conduit à méditer sur les principaux mystères de la vie du Christ Jésus, de ses origines à son retour en gloire.  Guardini ne prétend pas proposer une œuvre absolument nouvelle et originale, mais le seul but qu’il poursuit ici est d’amener son lecteur à une meilleure connaissance du Christ. C’est en ce sens que cet ouvrage est encore bien aussi actuel pour le lecteur de 2018 comme pour celui des années 1930. Aujourd’hui comme hier les méditations de Guardini peuvent nous aider à contempler l’éternel mystère du Christ vivant, afin de mieux pouvoir le reconnaître agissant dans nos vies.

 

 

L’auteur 


Romano Guardini (né en 1885 à Vérone-mort en 1968 à Munich), prêtre catholique, est considéré comme un des plus grands penseurs chrétiens du XXe siècle. On lui doit en particulier une réflexion approfondie sur la liturgie. Ses enseignements, à Berlin, à Tübingen et à Munich, ont influencé nombre de philosophes et théologiens, et notamment Joseph Ratzinger – Benoît XVI. 

https://lirechretien.fr/2019/01/15/le-seigneur-romano-guardini/

ANNONCIATION DU SEIGNEUR, EVANGILE SELON SAINT LUC, JESUS CHRIST, L'ANNONCIATION DU SEIGNEUR, SIMON BENING (1483-1561), VIERGE MARIE

L’ANNONCIATION DU SEIGNEUR

L’Annonciation du Seigneur

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Cette Annonciation illustre un prestigieux manuscrit enluminé, commandé vers 1530 à Simon Bening (1483-1561) par le puissant cardinal Albrecht de Brandebourg (1490-1545). Archevêque de Mayence, prince-électeur et archichancelier du Saint-Empire romain germanique, ami et prodigue mécène des artistes (notamment de Cranach et de Grünewald), ce dernier fut d’abord favorable à la réforme de l’Église réclamée par les « évangéliques » (ainsi désignait-on les protestants en Allemagne), mais finalement il demeura fidèle à l’Église catholique romaine et se posa comme l’un des adversaires les plus brillants de Martin Luther (1483-1546).

Né en même temps que l’essor irrésistible de l’imprimerie (la Bible de Gutenberg est datée de 1450) et de l’art de la gravure sur bois qui l’accompagna, Simon Bening, étoile de l’école de Bruges, incarne le chant du cygne de l’art de la miniature (peinture au minium de plomb qui illustrait les manuscrits), portant cet art à son plus haut niveau artistique avant qu’il ne disparût. On notera que trois de ses six filles exercèrent avec succès le métier de peintre. L’une d’elles, Levina, devint même la miniaturiste officielle de la cour d’Angleterre et succéda à Hans Holbein le Jeune comme portraitiste du roi Henri VIII.

 

 L’instant où le Verbe s’est fait chair

Marie est dans sa chambre, allégoriquement représentée en une architecture grandiose pour signifier que c’est ce temple qui désormais abrite le nouveau Saint des Saints, la demeure où Dieu se rend réellement présent au monde et ce, au-delà de tout ce que l’esprit humain pouvait espérer. En effet, assise sur un tabouret bas, les mains croisées sur son cœur, Marie vient de répondre à l’ange : «Qu’il m’advienne selon ta parole» (Lc 1, 38). La voici saisie par le peintre au moment indicible où en son sein virginal le Verbe s’est fait chair.

L’ange Gabriel est représenté en sustentation stationnaire. Il tient dans sa main gauche ce qui semble un sceptre, mais qui est en réalité une réminiscence du bâton que portaient les hérauts quand, à Byzance, ils parcouraient les rues en annonçant les proclamations solennelles de l’empereur. Sur le parement de son manteau sont brodées les paroles qu’il vient d’adresser à la Vierge Marie. Sa tête est ceinte d’une couronne d’or à fleurs de lys – en l’honneur de l’Immaculée –, dont le fronton porte une croix. Puisque ce qui est en jeu est le Salut du monde, l’annonce de la maternité de Marie a lieu, déjà, sous le signe de la croix. Le consentement de Marie à la maternité divine est aussi un consentement au glaive qui va lui transpercer le cœur.

  

L’inauguration de l’Alliance nouvelle et éternelle

Sur le sol, au premier plan, un vase de Delft présente un ­bouquet des fleurs qui symbolisent les éminentes qualités de la Vierge Marie, au-dessus de tout le lys de pureté, et l’humilité des fleurs des champs. À côté, on découvre comme abandonné, le sac de velours qui à l’époque protégeait les manuscrits précieux, livres d’Heures ou bibles. Celui-ci, renfermait le livre de l’Ancien Testament, lequel est posé sur la petite déserte à côté de la Vierge Marie. Ce sac est vide et à terre pour signifier que l’ancienne Alliance devient obsolète du fait même qu’elle est accomplie au-delà de toute expression par l’incarnation de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Cependant, s’échappe du sac un phylactère où est inscrite cette prophétie du livre d’Isaïe : Voici que la Vierge a conçu, et elle enfante un fils (Is 7, 14). Au lieu de regarder l’ange, ou encore de lire la prophétie, Marie contemple sur ses genoux le livre où s’écrit – en direct pourrait-on dire – le commencement de l’Évangile et l’inauguration de l’Alliance nouvelle et éternelle.

Derrière la Vierge, le panier de couture fait référence aux anciennes représentations apparues dès l’époque romaine, notamment, dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, celle de la Vierge à la quenouille. Au moment où elle fut surprise par la visite de l’ange, Marie tissait un drap blanc qui allait devenir le linceul du Christ. On voit ici l’ébauche de ce drap qui déborde du panier.

Dans un coin, derrière l’ange au fond de la chambre, l’artiste a fait figurer une alcôve renfermant un lit nuptial inutilisé. Ce symbole veut rendre compréhensible à tous le fait qu’il y a bien eu conception d’un fils d’homme, mais sans les rapports entre époux qui naturellement la procurent. Enfin, par la fenêtre, on aperçoit le jardin clos, l’hortus conclusus du Cantique des Cantiques (4, 12) qui préfigure la Vierge Mère de Dieu :

Hortus conclusus soror mea, sponsa;
hortus conclusus, fons signatus (Vulgate).

Ma sœur, ma fiancée est un jardin clos ;
Fontaine réservée, source scellée.

L’Annonciation, Simon Bening (v. 1483-1561), Los Angeles (CA, USA), The J. Paul Getty Museum. Digital image courtesy of the Getty’s Open Content Program.

https://francais.magnificat.net/magnificat_content/lannonciation-du-seigneur/

CORAN, ISLAM, JESUS CHRIST, JESUS DANS LE CORAN ET LA TRADITION MUSULMANE, JESUS-CHRIST, MUSULMANS

Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

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Pour le chrétien, comprendre l’islam veut dire également comprendre ce que pensent les musulmans de Jésus. Dans cet article, Henri de La Hougue nous introduit aux sources musulmanes les plus importantes sur ce sujet.

Henri de La Hougue, enseignant à l’Institut de science et de théologie des religions (Institut catholique de Paris), 

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Maryam (Marie) et Jésus-Îsâ (ancienne miniature persane).WIKICOMMONS

JESUS ET LE CORAN

La naissance de Jésus

Sourate 19, 16-35 (traduction Blachère)
« Et, dans l’Écriture, mentionne Marie quand elle se retira de sa famille en un lieu oriental et qu’elle disposa un voile en deçà d’eux. Nous lui envoyâmes Notre Esprit et il s’offrit à elle [sous la forme] d’un mortel accompli. « Je me réfugie dans le Bienfaiteur, contre toi », dit [Marie]. « Puisses-tu être pieux! »

– « Je ne suis », répondit-il, « que l’émissaire de ton Seigneur, [venu] pour que je te donne un garçon pur. » – « Comment aurais-je un garçon », demanda-t-elle, « alors que nul mortel ne m’a touchée et que je ne suis point femme? »
– « Ainsi sera-t-il », dit [l’Ange]. « Ton Seigneur a dit: Cela est pour Moi facile et Nous ferons certes de lui un signe pour les gens et une grâce (rahma) [venue] de Nous: c’est affaire décrétée. »
Elle devint enceinte de l’enfant et se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent près du stipe du palmier. « Plût au ciel », s’écria-t-elle, « que je fusse morte avant cet instant et que je fusse totalement oubliée! »
[Mais] l’enfant qui était à ses pieds lui parla: « Ne t’attriste pas! Ton Seigneur a mis à tes pieds un ruisseau. Secoue vers toi le stipe du palmier: tu feras tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange et bois et que ton œil se sèche! Dès que tu verras quelque mortel, dis: « Je voue au Seigneur un jeûne et ne parlerai aujourd’hui à aucun humain! » Elle vint donc aux siens, portant [l’enfant].
– « O Marie! », dirent-ils, « tu as accompli une chose monstrueuse! O sœur d’Aaron! ton père n’était pas un père indigne ni ta mère une prostituée! » Marie fit un signe vers [l’Enfant]. – « Comment », dirent-ils, parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau? »
Mais [l’enfant] dit: « Je suis serviteur d’Allah. Il m’a donné l’Écriture et m’a fait Prophète! Il m’a béni où que je sois et m’a recommandé la Prière et l’Aumône tant que je resterai vivant, ainsi que la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent ni malheureux. Que le salut soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant! »
Celui-là est Jésus fils de Marie. Parole de vérité qu’ils révoquent en doute!
Il n’était pas séant à Allah de prendre quelque enfant.
Gloire à Lui! Quand Il décide quelque chose, Il dit seulement: « Sois! » et elle est. »

On trouve dans cette sourate 19 quelques éléments proches de la foi chrétienne comme :

– l’annonciation
– la venue de l’esprit de Dieu
– la conception virginale de Jésus ainsi que d’autres éléments coraniques, comme le fait que Jésus parle dès sa naissance.

Regardons l’autre grand passage du Qur’ân qui mentionne la conception de Jésus :

Sourate 3, 42-51 (traduction Blachère)

Et [rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’a choisie et purifiée. Il t’a choisie sur [toutes] les femmes de ce monde. O Marie!, sois en oraison devant ton Seigneur! Prosterne-toi et incline-toi avec ceux qui s’inclinent! »
Ceci fait partie des récits (‘anbâ’) de l’Inconnaissable que Nous te révélons car tu n’étais point parmi eux [Prophète!], quand ils jetaient leurs calames [pour savoir] qui d’entre eux se chargerait de Marie; tu n’étais point parmi eux quand ils se disputaient.
[Rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’annonce un Verbe [émanant] de Lui, dont le nom est le Messie, Jésus fils de Marie, [qui sera] illustre dans la [Vie] Immédiate et Dernière et parmi les Proches [du Seigneur]. Il parlera aux Hommes, au berceau, comme un vieillard, et il sera parmi les Saints. »
– « Seigneur! », répondit [Marie], « comment aurais-je un enfant alors que nul mortel ne m’a touchée? »
– « Ainsi », répondit-Il (sic), « Allah crée ce qu’Il veut. Quand Il décrète une affaire, Il dit seulement à son propos: « Sois! » et elle est. » [Allah] lui enseignera l’Écriture, la Sagesse, la Thora et l’Évangile.
« …Et [j’ai été envoyé] comme Apôtre aux Fils d’Israël, disant: « Je viens à vous avec un signe de votre Seigneur. Je vais, pour vous, créer d’argile une manière d’oiseaux; j’y insufflerai [la vie] et ce seront des oiseaux, avec la permission d’Allah. Je guérirai le muet et le lépreux. Je ferai revivre les morts, avec la permission d’Allah. Je vous aviserai de ce que vous mangez et de ce que vous amassez dans vos demeures. En vérité, en cela, est certes un signe pour vous, si vous êtes croyants.
[Je suis envoyé] déclarant véridique ce qui a été donné avant moi, de la Torah, afin de déclarer pour vous licite une partie de ce qui avait été pour vous déclaré illicite. Je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur. Soyez pieux envers Allah et obéissez-moi! Allah est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc! C’est une voie droite. »

La Mission de Jésus :

Jésus succède aux prophètes d’Israël (5,46; 57,27). Il est envoyé aux Fils d’Israël (3,49; 43,59-64; 61,6) pour confirmer la Torah (3,50; 5,46; 61,6); mais il supprime certains interdits (3,50) et annonce Muhammad (61,6).

Ses miracles :

– en général (bayyinât) (2,87; 5,110; 43,63; 61,6)
– en particulier: il parle à sa naissance (19,24-26), au berceau (19,30) et adulte (3,46; 5,110); vivifie l’oiseau, opère des guérisons, ressuscite les morts, devine les secrets (3,49; 5,110); la mâ’ida (5,112-115).

Sa prédication :

Nadorer qu’un seul Dieu (3,51; 5,72 et 117; 19,36; 43,63), craindre Dieu et lui obéir (3,50; 5,112; 43,63). Il apporte la Sagesse (43,63), explique aux Fils d’Israël ce sur quoi ils sont divisés (43,63).

Le drame de sa fin sur terre :

Il se heurte à l’incrédulité des Juifs (3,52; 5,110; 61,6); il fait appel à ses « Auxiliaires », les Apôtres (3,52; 5,111) , maudit les juifs (5,78), qui rusent pour le faire mourir (3,54-55; 4,157) ; mais il est sauvé par Dieu (3,54; 5,110), ni tué ni crucifié, mais élevé au ciel (3,55; 4,158). Pour les orthodoxes sunnites, Jésus n’a pas été crucifié. Certains courants shiites, philosophiques (platonisants) et mystiques, admettront que le corps de Jésus est mort en croix, mais que son âme a été élevée au ciel. Entre son élévation au ciel et son retour sur terre, Jésus vit auprès de Dieu, volant autour de son Trône, mi-ange mi-homme, sans boire ni manger, couvert de plumes. C’est ainsi que Muhammad le rencontre dans son ascension nocturne (mirâj).

Son rôle eschatologique, lors de son retour sur terre :

Signe de l’Heure (43,61) et au Jugement, témoin contre les chrétiens (4,159; 5,116-117). Les Shiîtes le remplacent par le retour de leur « Imâm caché », appelé le Mahdî. D’où réaction orthodoxe : « Pas d’autre Mahdî que Jésus » (Là mahdiya illâ °Îsâ).

Les divers noms de Jésus dans le Coran (Qur’ân) :

‘Îsâ (Jésus) est cité dans 10 sourates différentes et revient 25 fois dans le Coran. L’étymologie de (‘Îsâ) n’est pas évidente, il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la différence avec (Yasû’) le Jésus biblique. Toujours est-il que dans l’esprit des musulmans,
‘Îsâ est bien Jésus, fils de Marie qui a donné l’évangile (al-injîl), dont les chrétiens ont fait un fils de Dieu.

– Al-masîh (le messie) 11 fois
La racine (MSH) signifie « mesurer », « frotter » et « oindre ». Mais le mot Messie (al-masîh) provient sans doute de l’araméen ou de l’hébreu, où il était employé dans le sens de sauveur (masîah). Muhammad a pris ce mot aux chrétiens arabes, chez qui le nom
‘abd al-masîh (« serviteur du messie »), était connu à l’époque préislamique, mais il est douteux qu’il ait connu le vrai sens du terme.
Le mot ne se trouve que 11 fois dans le Coran et uniquement dans des sourates médinoises, la plupart du temps lié à « fils de Marie » (ibn Maryam), et toujours pour parler de Jésus.
Al-masîh est donc un titre de Jésus, mais sans connotation messianique, ni aucune interprétation eschatologique.
Dans la tradition, dans le hadith canonique, al-masîh se rencontre dans trois passages, toujours pour parler de Jésus : dans un rêve de Muhammad, au retour de Jésus et au jugement dernier.

– Kalima min Allah (Parole venant de Dieu). Kalima est très fréquent dans le Coran on le retrouve dans le sens de :
– parole proférée (bonne 14,24 ou mauvaise 9,74)
– parole de Dieu réalisatrice au sens de (‘Amr)
Jésus est appelé « parole venant de Dieu » (kalima min Allah) en 3, 39.45, mais les commentateurs voient dans ce titre :
– soit une parole divine liée au (kun) « sois » et rapprochent la création de Jésus à celle d’Adam : « Il en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu, Dieu l’a créé de terre, puis il lui a dit « sois! » et il est » 3,59
– soit le fait que Jésus est le prophète annoncé dans la parole de Dieu, reçue et prêchée par les prophètes antérieurs.
– soit parce que Jésus parle de la part de Dieu et ainsi conduit les hommes dans le bon chemin. – soit parce que Jésus est une bonne nouvelle, parole de vérité (qawl al-haqq).

Il ne faudrait pas trop vite voir dans cette « parole » (kalima) l’équivalent de notre verbe (logos) ce n’est pas l’attribut de la parole (kalâm) mais son expression en laquelle se formulent et se communiquent les décisions divines.

– Nabi (prophète) en 19,30
Jésus est prophète, il est d’ailleurs cité plusieurs fois parmi les autres prophètes. Comme tout prophète il a une mission à accomplir dans un peuple particulier, les fils d’Israël. Mais il est plus qu’un prophète, puisqu’il a le statut d’envoyé.

– Rasûl (envoyé) 3 fois
Le rasûl est plus qu’un prophète, il est un envoyé, qui a un message à délivrer, comme l’ange Gabriel. Jésus a transmis l’Evangile, il est donc rasûl, comme Moïse qui a transmis la Torah, ou Muhammad qui a récité le Coran.

– ‘Abd Allah (serviteur de Dieu)
Ce mot signifie et rappelle avant tout que Jésus est une créature de Dieu, soumise à Dieu. Cependant c’est un attribut de Jésus très important, puisque cela en fait un des meilleurs musulmans. Ibn Arabi dira de Jésus qu’il est le sceau de la sainteté.

Un chrétien ne peut pas ne pas penser au serviteur d’Isaïe (‘ebed) et à l’esclave de Ph 2, 7 (doulos). Du point de vue du dialogue, c’est certainement un attribut très important de Jésus, parce que ce terme a une signification forte en Islam, comme dans le Christianisme. Il faut cependant se rappeler la signification première qui est une négation de la divinité de Jésus.

– Rûh (esprit venant de lui) en 4, 171 Jésus est un Esprit de Dieu (Rûh min Allah)
« O Détenteurs de l’Écriture!, ne soyez pas extravagants, en votre religion! Ne dites, sur Allah, que la vérité! Le Messie, Jésus fils de Marie, est seulement l’Apôtre d’Allah, son Verbe jeté par Lui à Marie, et un Esprit [émanant] de Lui. Croyez en Allah et en Ses Apôtres et ne dites point: « Trois! » Cessez! [Cela sera] un bien pour vous. Allah n’est qu’une divinité unique. A Lui ne plaise d’avoir un enfant! A Lui ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre.Combien Allah suffit comme protecteur (wakîl)! » (4,171)

Mais la suite du verset nous garde bien de faire de ce titre une interprétation trop chrétienne. Comme nous l’avons vu plus haut, ce titre vient avant tout du fait que Jésus est né du souffle divin né en Marie : « Et [fais mention de] celle restée vierge en sorte que Nous soufflâmes en elle de Notre esprit et que Nous fîmes d’elle et de son fils un signe pour le monde. » (21,91) et que pour accomplir sa mission, Jésus a été fortifié par l’Esprit Saint (Rûh al qudus) 5,110

Autres titre :
– Ibn Maryam (fils de Marie) 33 fois dont 16 avec (‘Îsâ)
– min al-muqarrabîn (parmi les proches) en 3, 45
– wajîh (digne de considération) en 3,45
– mubârak (béni) en 19,31
– qawl al-haqq (parole de vérité) en 19, 34 2.

DANS LA TRADITION MUSULMANE

On trouve dans la tradition un certain nombre de hadith (« propos » attribués au Prophète, qui constituent la tradition musulmane, la sunna) concernant Jésus ou Marie qui permettent de voir comment la tradition situe Jésus par rapport au prophète Muhammad. Nous avons été voir chez Bukhâri (mort en 870/ h.256), le plus important des traditionnistes.

Sur la nature de Jésus, on trouve :

« D’après Sa’îd-ben-al-Mosayyab, Abou Horaïra a dit: J’ai entendu l’envoyé de Dieu s’exprimer ainsi :  » Il ne nait pas un seul fils d’Adam, sans qu’un démon ne le touche au moment de sa naissance. celui que le démon touche ainsi pousse un cri. Il n’y a eu d’exeption que pour Marie et son fils ». (El-Bokhâri, Les traditions islamiques, Maisonneuve, Paris 1984, tomeII, Livre 60, ch 44)

D’après ‘Obâda, le prophète a dit: quiconque témoignera qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu, l’unique, n’ayant pas d’associés; que Mahomet est son adorateur et son envoyé; que Jésus est l’adorateur de Dieu, son envoyé, son verbe jeté dans le sein de Marie et une émanation de Dieu; que le paradis est une vérité, que l’enfer est une vérité, Dieu le fera entrer dans le paradis quelles qu’aient été ses œuvres. » (Ibid. ch 47)

Abou Salama rapporte que Abou Horaïra a entendu l’envoyé de Dieu dire: « Je suis parmi les hommes, le plus rapproché du fils de Marie. Les prophètes sont les enfants d’un même père et de mères différentes. Entre Jésus et moi, il n’y a pas eu de prophète. (Ibid. ch 48,6)

Le prophète dit avoir rencontré Jésus lors de son voyage « …Le prophète a dit, la nuit où l’on me fit faire le voyage, je vis Moïse, c’était un homme brun, de haute taille, crépu, on aurait dit d’un Chanouïte; je vis Jésus, c’était un homme de taille et de complexion moyennes, d’une couleur entre le rouge et le blanc, et aux cheveux lisses… » (Ibid. livre 59, ch7, 16)

« Abdallah ben ‘Omar rapporte que l’envoyé de Dieu a dit : « une nuit que j’étais auprès de la Ka’ba, je vis un homme brun comme un des plus beaux hommes bruns que tu n’aies jamais vus. il avait une chevelure comme la plus belle des chevelures que tu n’aies jamais vue; cette chevelure était flottante et était encore ruisselante d’eau. appuyé sur deux hommes, il faisait le tour du temple. Comme je demandais qui était cette personne, on me répondit: « c’est le Messie, fils de Marie »…(Ibid. tomeIV, livre77, Ch 68, 3)

Après Adam, Noé, Abraham, Moïse, les gens vont voir Jésus pour lui demander d’intercéder auprès de Dieu, mais celui-ci s’en juge incapable, et renvoie à Muhammad : … »[Moïse dit] adressez vous à un autre que moi, allez trouver Jésus. Ils iront trouver Jésus et leur diront: « O Jésus, tu es un envoyé de Dieu; il a envoyé son verbe dans Marie; tu es l’esprit de Dieu, et tout enfant, dès le berceau, tu parlais aux hommes; intercède en notre faveur auprès du seigneur, ne vois-tu pas dans quel état nous sommes? Le Seigneur, répondra Jésus est aujourd’hui dans une colère telle qu’il n’en a jamais eu de pareille auparavant et qu’il n’en aura plus jamais de semblable à l’avenir. Il ne parlera pas de faute commise et ajoutera : « c’est moi, moi, moi (qui aurait besoin d’un intercesseur). Adressez-vous à un autre que moi, allez trouver Mahomet »… (Ibid, tome III, livre 65, ch5,1 cf aussi 65, 2, 1)

La tradition nous donne une connaissance un peu plus précise de Jésus que le Qu’rân, mais, par rapport à la somme de hadith existant, ceux consacrés à Jésus sont peu nombreux. Comme le Qu’rân, ils reconnaissent l’importance de Jésus, mais rappellent que celui-ci passe après Muhammad et qu’il n’est pas fils de Dieu.

Pour trouver une réflexion plus approfondie sur le Christ, on doit chercher chez les mystiques.

JESUS DANS LA TRADITION MYSTIQUE

(Nous nous référerons au livre de Roger Arnaldez, Jésus dans la pensée musulmane , coll. Jésus et Jésus-Christ n° 32, Desclée, Paris 1988, ch 3)

Dans l’œuvre des mystiques, Jésus est tout d’abord présenté comme un mystique qui enseigne :

– la crainte et l’amour de Dieu : « Le Christ a dit : ‘O Apôtres! la peur qui fait redouter Dieu et l’amour du Paradis font hériter la patience pour supporter les peines et éloignent de ce bas monde » (Ghazâlî Arnaldez, Op.cit. p.111)
– la patience dans les épreuves : « Le Messie a dit: ‘Vous n’obtiendrez ce que vous aimez que par votre patience à supporter ce que vous abhorrez' » (Makkî et Ghazâlî, Ibid., p. 113)
– l’abandon à Dieu : « Jésus a dit: ‘Regardez les oiseaux; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils ne font pas de provisions et Dieu pourvoit à leur subsistance jour après jour' » (Ghazâlî Ibid. p. 117)
– l’ascèse et la pauvreté : « On raconte de Jésus qu’il posa une pierre sous sa tête, comme si, en la soulevant de terre, il éprouvait un soulagement. Iblis lui fit une objection en disant: ‘O fils de marie, n’avais-tu pas prétendu que tu pratiquais l’ascétisme dans ce monde? Jésus répondit que oui. Iblîs dit: ‘Et ce que tu as bien arrangé sous ta tête, qu’est-ce que c’est donc?’ Jésus rejeta la pierre et dit: ‘prends-la avec tout ce que j’ai déjà abandonné.' » (Makkî, Ibid, p.128)
– l’humilité : « On rapporte que Jésus a dit: ‘Il manque de science, celui qui ne se réjouit pas dêtre frappé de maux en son corps et en ses biens, en espérant par là expier ses fautes’. » (Makkî, Ibid. p. 132)
– l’amour : « On rapporte que Jésus passa près d’un homme qui était aveugle, atteint de la lèpre, privé de ses jambes, frappé d’une paralysie du côté droit et du côté gauche, dont les chairs tombaient en lambeaux sous le coup de l’éléphantiasis. Et cet homme disait: ‘Dieu soit loué, car il m’a préservé de ce par quoi il éprouve un grand nombre de ses créatures! ‘Jésus lui demanda: ‘dis-moi quelle est cette épreuve dont je puisse constater qu’elle a été écartée de toi? L’homme dit: ‘O Esprit de Dieu! Je suis moi, en meilleur état que celui dans le coeur de qui Dieu n’a pas mis la connaissance de lui-même qu’il a mise dans mon coeur.’ Jésus lui répondit: ‘Tu as dit vrai; donne-moi ta main’. L’homme la lui tendit et voici que son visage devint le plus beau du monde, et que sa tournure prit le meilleur aspect. Dieu avait fait disparaître le mal qui était en lui. Il s’atacha à Jésus et s’adonna avec lui à l’adoration. » (Ghazâlî, I bid. pp. 138-139)

Chez Ibn ‘Arabi, Jésus est présenté comme le sceau universel de la sainteté

Parmi tous les prophète, Jésus a une place à part dans la doctrine d’Ibn ‘Arabi (un des plus grand mystiques de l’Islam, mort à Damas en 1240/ h.638) :

La conception de Jésus lui confère un statut tout particulier

« Gabriel était donc le véhicule de la Parole divine transmise à Marie […] Dès l’instant, le désir amoureux envahit Marie, de sorte que le corps de Jésus fut créé de la véritable eau de marie et de l’eau purement imaginaire de Gabriel […] Ainsi, le corps de Jésus fut constitué d’eau imaginaire et d’eau véritable, et il fut enfanté sous la forme humaine à cause de sa mère et à cause de Gabriel, sous forme d’homme. » (Ibid, p. 168)

« […] Jésus manifesta de l’humilité jusqu’à ordonner à sa communauté […] que si quelqu’un est frappé sur la joue, il tende l’autre à celui qui l’a frappé, et ne se révolte jamais contre lui, ni ne cherche vengeance. Ceci, Jésus le tient du côté de sa mère, car c’est à la femme de se soumettre tout naturellement […] Son pouvoir vivifiant et guérissant, par contre, lui parvint du souffle de Gabriel revêtu de forme humaine. C’est pour cela que Jésus put vivifier les morts en ayant la forme d’homme. » (Ibid., p. 169)

Jésus sceau de la sainteté universelle

« N’est il pas vrai que le sceau de la sainteté est un envoyé qui n’a pas d’égal dans les mondes? Il est l’Esprit, fils de l’esprit et de Marie sa mère: c’est là un lieu où ne conduit aucune voie. […] Quant à Jésus, il a la qualité de sceau en ce sens qu’il possède le sceau du cycle du royaume (le monde créé). En effet, il est le dernier des envoyés à apparaître, et il apparaît avec le forme d’Adam, relativement à son mode de génération, puisqu’il n’est pas engendré de père humain et qu’aucun fils, je veux dire dans la descendance d’Adam dans la suite des générations, n’est semblable à lui.[…] En outre Jésus, quand il descendra sur la terre à la fin des temps, recevra le sceau de la lus grande sainteté depuis Adam jusqu’au dernier prophète, en rendant hommage à Muhammad, du fait que Dieu ne scelle la sainteté universelle en toute communauté que par un envoyé qui suit la loi de Muhammad. Et alors, Jésus possède le sceau du cycle du royaume et le sceau de la sainteté, j’entends la sainteté universelle. » (Ibid., p.181)

Chez al-Hallaj Jésus a une très grande importance dans la spiritualité d’al-Hallâj (grand mystique, condamné à mort pour son enseignement trop hétérodoxe en 922/ h.309), parce qu’il est la réalisation la plus parfaite, pour un homme, de l’union mystique entre l’humanité et Dieu. Lors de son retour eschatologique, Jésus remplira le monde de sagesse et de justice en promulgant la loi musulmane définitive.

Hallâj croit à la passion et à la résurrection du Christ et cette passion est pour lui rédemptrice. Les disciples d’al-Hallâj ont affirmé que par sa mort sur un gibet, Hallaj avait réalisé l’idéal du soufisme. Néanmoins, cette perception n’est pas la même que la perception chrétienne. Il y a chez Hallaj, une idée de fuite du corps humain et du monde.

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(Pour en savoir plus, nous vous recommandons : Tarif KHALIDI : Un musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003)

https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Islam/Jesus-dans-le-Coran-et-dans-la-tradition-musulmane

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Dimanche 8 janvier 2023 : Fête de l’Epiphanie : lectures et commentaires

Dimanche 8 janvier 2023 : Fête de l’Epiphanie

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Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

PREMIERE LECTURE – Isaïe 60,1-6

1 Debout, Jérusalem, resplendis !
Elle est venue, ta lumière,
et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi.
2 Voici que les ténèbres couvrent la terre,
et la nuée obscure couvre les peuples.
Mais sur toi se lève le SEIGNEUR,
Sur toi sa gloire apparaît.
3 Les nations marcheront vers ta lumière,
et les rois, vers la clarté de ton aurore.
4 Lève les yeux alentour, et regarde :
tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ;
tes fils reviennent de loin,
et tes filles sont portées sur la hanche.
5 Alors tu verras, tu seras radieuse,
ton cœur  frémira et se dilatera.
Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi,
vers toi viendront les richesses des nations.
6 En grand nombre, des chameaux t’envahiront,
de jeunes chameaux de Madiane et d’Epha.
Tous les gens de Saba viendront,
apportant l’or et l’encens ;
ils annonceront les exploits du SEIGNEUR.

DANS DES JOURS SOMBRES UNE ANNONCE DE LUMIERE
Vous avez remarqué toutes les expressions de lumière, tout au long de ce passage : « Resplendis, elle est venue ta lumière… la gloire (le rayonnement) du SEIGNEUR s’est levée sur toi (comme le soleil se lève)… sur toi se lève le SEIGNEUR, sa gloire brille sur toi… ta lumière, la clarté de ton aurore… tu seras radieuse ».
On peut en déduire tout de suite que l’humeur générale était plutôt sombre ! Je ne dis pas que les prophètes cultivent le paradoxe ! Non ! Ils cultivent l’espérance.
Alors, pourquoi l’humeur générale était-elle sombre, pour commencer. Ensuite, quel argument le prophète avance-t-il pour inviter son peuple à l’espérance ?
Pour ce qui est de l’humeur, je vous rappelle le contexte : ce texte fait partie des derniers chapitres du livre d’Isaïe ; nous sommes dans les années 525-520 av.J.C., c’est-à-dire une quinzaine ou une vingtaine d’années après le retour de l’Exil à Babylone. Les déportés sont rentrés au pays, et on a cru que le bonheur allait s’installer. En réalité, ce fameux retour tant espéré n’a pas répondu à toutes les attentes.
D’abord, il y avait ceux qui étaient restés au pays et qui avaient vécu la période de guerre et d’occupation. Ensuite, il y avait ceux qui revenaient d’Exil et qui comptaient retrouver leur place et leurs biens. Or si l’Exil a duré cinquante ans, cela veut dire que ceux qui sont partis sont morts là-bas… et ceux qui revenaient étaient leurs enfants ou leurs petits-enfants … Cela ne devait pas simplifier les retrouvailles. D’autant plus que ceux qui rentraient ne pouvaient certainement pas prétendre récupérer l’héritage de leurs parents : les biens des absents, des exilés ont été occupés, c’est inévitable, puisque, encore une fois, l’Exil a duré cinquante ans !
Enfin, il y avait tous les étrangers qui s’étaient installés dans la ville de Jérusalem et dans tout le pays à la faveur de ce bouleversement et qui y avaient introduit d’autres coutumes, d’autres religions… Tout ce monde n’était pas fait pour vivre ensemble…
La pomme de discorde, ce fut la reconstruction du Temple : car, dès le retour de l’exil, autorisé en 538 par le roi Cyrus, les premiers rentrés au pays (nous les appellerons la communauté du retour) avaient rétabli l’ancien autel du Temple de Jérusalem, et avaient recommencé à célébrer le culte comme par le passé ; et en même temps, ils entreprirent la reconstruction du Temple lui-même.
Mais voilà que des gens qu’ils considéraient comme hérétiques ont voulu s’en mêler ; c’étaient ceux qui avaient habité Jérusalem pendant l’Exil : mélange de juifs restés au pays et de populations étrangères, donc païennes, installées là par l’occupant ; il y avait eu inévitablement des mélanges entre ces deux types de population, et même des mariages, et tout ce monde avait pris des habitudes jugées hérétiques par les Juifs qui rentraient de l’Exil.
Alors la communauté du retour s’est resserrée et a refusé cette aide dangereuse pour la foi : le Temple du Dieu unique ne peut pas être construit par des gens qui, ensuite, voudront y célébrer d’autres cultes ! Comme on peut s’en douter, ce refus a été très mal pris et désormais ceux qui avaient été éconduits firent obstruction par tous les moyens. Finis les travaux, finis aussi les rêves de rebâtir le Temple ! Les années ont passé et on s’est installés dans le découragement.
LE SURSAUT AU NOM DE LA VOCATION DU PEUPLE ELU
Mais la morosité, l’abattement ne sont pas dignes du peuple porteur des promesses de Dieu. Alors, Isaïe et un autre prophète, Aggée, décident de réveiller leurs compatriotes : sur le thème : fini de se lamenter, mettons-nous au travail pour reconstruire le Temple de Jérusalem. Et cela nous vaut le texte d’aujourd’hui.
Connaissant ce contexte difficile, ce langage presque triomphant nous surprend peut-être ; mais c’est un langage assez habituel chez les prophètes ; et nous savons bien que s’ils promettent tant la lumière, c’est parce qu’elle est encore loin d’être aveuglante… et que, moralement, on est dans la nuit. C’est pendant la nuit qu’on guette les signes du lever du jour ; et justement le rôle du prophète est de redonner courage, de rappeler la venue du jour. Un tel langage ne traduit donc pas l’euphorie du peuple, mais au contraire une grande morosité : c’est pour cela qu’il parle tant de lumière !
Pour relever le moral des troupes, nos deux prophètes n’ont qu’un argument, mais il est de taille : Jérusalem est la Ville Sainte, la ville choisie par Dieu, pour y faire demeurer le signe de sa Présence ; c’est parce que Dieu lui-même s’est engagé envers le roi Salomon en décidant « Ici sera Mon Nom », que le prophète Isaïe, des siècles plus tard, peut oser dire à ses compatriotes « Debout, Jérusalem ! Resplendis… »
Le message d’Isaïe aujourd’hui, c’est donc : « vous avez l’impression d’être dans le tunnel, mais au bout, il y a la lumière. Rappelez-vous la Promesse : le JOUR vient où tout le monde reconnaîtra en Jérusalem la Ville Sainte. » Conclusion : ne vous laissez pas abattre, mettez-vous au travail, consacrez toutes vos forces à reconstruire le Temple comme vous l’avez promis.
J’ajouterai trois remarques pour terminer : premièrement, une fois de plus, le prophète nous donne l’exemple : quand on est croyants, la lucidité ne parvient jamais à étouffer l’espérance.
Deuxièmement, la promesse ne vise pas un triomphe politique… Le triomphe qui est entrevu ici est celui de Dieu et de l’humanité qui sera un jour enfin réunie dans une harmonie parfaite dans la Cité Sainte ; reprenons les premiers versets : si Jérusalem resplendit, c’est de la lumière et de la gloire du SEIGNEUR : « Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière, et la gloire du SEIGNEUR s’est levée sur toi… sur toi se lève le SEIGNEUR, et sa gloire brille sur toi… »
Troisièmement, quand Isaïe parlait de Jérusalem, déjà à son époque, ce nom désignait plus le peuple que la ville elle-même ; et l’on savait déjà que le projet de Dieu déborde toute ville, si grande ou belle soit-elle, et tout peuple, il concerne toute l’humanité.

PSAUME – 71 (72)

1 Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
2 Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

7 En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
8 Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

10 Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
11 Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

12 Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
13 Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

REVE DES HOMMES ET PROJET DE DIEU
Imaginons que nous sommes en train d’assister au sacre d’un nouveau roi. Les prêtres expriment à son sujet des prières qui sont tous les souhaits, j’aurais envie de dire tous les rêves que le peuple formule au début de chaque nouveau règne : vœux  de grandeur politique pour le roi, mais surtout vœux  de paix, de justice pour tous. Les « lendemains qui chantent », en quelque sorte ! C’est un thème qui n’est pas d’aujourd’hui… On en rêve depuis toujours ! Richesse et prospérité pour tous… Justice et Paix… Et cela pour tous… d’un bout de la terre à l’autre… Or le peuple élu a cet immense avantage de savoir que ce rêve des hommes coïncide avec le projet de Dieu lui-même.
La dernière strophe de ce psaume, elle, change de ton (malheureusement, elle ne fait pas partie de la liturgie de cette fête) : il n’est plus question du roi terrestre, il n’est question que de Dieu : « Béni soit le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël, lui seul fait des merveilles ! Béni soit à jamais son nom glorieux, toute la terre soit remplie de sa gloire ! Amen ! Amen ! » C’est cette dernière strophe qui nous donne la clé de ce psaume : en fait, il a été composé et chanté après l’Exil à Babylone, (donc entre 500 et 100 av. J.C.) c’est-à-dire à une époque où il n’y avait déjà plus de roi en Israël ; ce qui veut dire que ces vœux , ces prières ne concernent pas un roi en chair et en os… ils concernent le roi qu’on attend, que Dieu a promis, le roi-messie. Et puisqu’il s’agit d’une promesse de Dieu, on peut être certain qu’elle se réalisera.
La Bible tout entière est traversée par cette espérance indestructible : l’histoire humaine a un but, un sens ; et le mot « sens » veut dire deux choses : à la fois « signification » et « direction ». Car Dieu a un projet qui inspire toutes les lignes de la Bible, Ancien Testament et Nouveau Testament : il porte des noms différents selon les auteurs. Par exemple, c’est le « JOUR de Dieu » pour les prophètes, le « Royaume des cieux » pour Saint Matthieu, le « dessein bienveillant » pour Saint Paul, mais c’est toujours du même projet qu’il s’agit. Comme un amoureux répète inlassablement des mots d’amour, Dieu propose inlassablement son projet de bonheur à l’humanité. Ce projet sera réalisé par le messie et c’est ce messie que les croyants appellent de tous leurs vœux  lorsqu’ils chantent les psaumes au Temple de Jérusalem.
Ce psaume 71, particulièrement, est vraiment la description du roi idéal, celui qu’Israël attend depuis des siècles : quand Jésus naît, il y a 1000 ans à peu près que le prophète Natan est allé trouver le roi David de la part de Dieu et lui a fait cette promesse dont parle notre psaume. Je vous redis les paroles du prophète Natan à David : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur qui naîtra de toi et je rendrai stable sa royauté… Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils… Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. » (2 S 7,12…16).1
De siècle en siècle, cette promesse a été répétée, répercutée, précisée. La certitude de la fidélité de Dieu à ses promesses en a fait découvrir peu à peu toute la richesse et les conséquences ; si ce roi méritait vraiment le titre de fils de Dieu, alors il serait à l’image de Dieu, un roi de justice et de paix. A chaque sacre d’un nouveau roi, la promesse était redite sur lui et on se reprenait à rêver…
L’ESPERANCE, C’EST L’ANCRE DE L’AME
Depuis David, on attendait, et le peuple juif attend toujours… et il faut bien reconnaître que le règne idéal n’a encore pas vu le jour sur notre terre. On finirait presque par croire que ce n’est qu’une utopie…
Mais les croyants savent qu’il ne s’agit pas d’une utopie : il s’agit d’une promesse de Dieu, donc d’une certitude. Et la Bible tout entière est traversée par cette certitude, cette espérance invincible : le projet de Dieu se réalisera, nous avançons lentement mais sûrement vers lui. C’est le miracle de la foi : devant cette promesse à chaque fois déçue, il y a deux attitudes possibles : le non-croyant dit « je vous l’avais bien dit, cela n’arrivera jamais » ; mais le croyant affirme résolument « patience, puisque Dieu l’a promis, il ne saurait se rejeter lui-même », comme dit Saint Paul (2 Tm 2,13).
Ce psaume dit bien quelques aspects de cette attente du roi idéal : par exemple « pouvoir » et « justice » seront enfin synonymes ; c’est déjà tout un programme : de nombreux pouvoirs humains tentent loyalement d’instaurer la justice et d’enrayer la misère mais n’y parviennent pas ; ailleurs, malheureusement, « pouvoir » rime parfois avec avantages de toute sorte et autres passe-droits ; parce que nous ne sommes que des hommes.
En Dieu seul le pouvoir n’est qu’amour : notre psaume le sait bien puisqu’il précise « Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice ».
Et alors puisque notre roi disposera de la puissance même de Dieu, une puissance qui n’est qu’amour et justice, il n’y aura plus de malheureux dans son royaume. « En ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes !… Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. »
Ce roi-là, on voudrait bien qu’il règne sur toute la planète ! C’est de bon cœur  qu’on lui souhaite un royaume sans limite de temps ou d’espace ! « Qu’il règne jusqu’à la fin des lunes… » et « Qu’il domine de la mer à la mer et du Fleuve jusqu’aux extrémités de la terre ». Pour l’instant, quand on chante ce psaume, les extrémités du monde connu, ce sont l’Arabie et l’Egypte et c’est pourquoi on cite les rois de Saba et de Seba : Saba, c’est au Sud de l’Arabie, Seba, c’est au Sud de l’Egypte… Quant à Tarsis, c’est un pays mythique, qui veut dire « le bout du monde ».
Aujourd’hui, le peuple juif chante ce psaume dans l’attente du roi-Messie2 ; nous, Chrétiens, l’appliquons à Jésus-Christ et il nous semble que les mages venus d’Orient ont commencé à réaliser la promesse « Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents, les rois de Saba et de Seba feront leur offrande… Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront ».
———————–
Notes
1 – Le règne de David (et donc la promesse du prophète Natan) se situe environ vers l’an 1000 avant Jésus-Christ. Par conséquent lorsque le chant « Il est né le divin enfant » nous fait dire « Depuis plus de 4000 ans nous le promettaient les prophètes », le compte n’est pas tout à fait exact ! Peut-être le nombre 4000 n’a-t-il été retenu que pour les nécessités de la mélodie.
2 – De nos jours, encore, dans certaines synagogues, nos frères juifs disent leur impatience de voir arriver le Messie en récitant la profession de foi de Maïmonide, médecin et rabbin à Tolède en Espagne, au douzième siècle : « Je crois d’une foi parfaite en la venue du Messie, et même s’il tarde à venir, en dépit de tout cela, je l’attendrai jusqu’au jour où il viendra. »

DEUXIEME LECTURE – Ephésiens 3, 2…6

Frères,
2 vous avez appris, je pense,
en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :
3 par révélation, il m’a fait connaître le mystère.
Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance
des hommes des générations passées,
comme il a été révélé maintenant
à ses saints Apôtres et aux prophètes,
dans l’Esprit.
Ce mystère,
c’est que toutes les nations sont associées au même héritage,
au même corps,
au partage de la même promesse,
dans le Christ Jésus,
par l’annonce de l’Evangile.

DIEU M’A FAIT CONNAITRE LE MYSTERE
Ce passage est extrait de la lettre aux Ephésiens au chapitre 3 ; or c’est dans le premier chapitre de cette même lettre que Paul a employé sa fameuse expression « le dessein bienveillant de Dieu » ; ici, nous sommes tout à fait dans la même ligne ; je vous rappelle quelques mots du chapitre 1 : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,9-10, traduction TOB).
Dans le texte d’aujourd’hui, nous retrouvons ce mot de « mystère ». Le « mystère », chez Saint Paul, ce n’est pas un secret que Dieu garderait jalousement pour lui ; au contraire, c’est son intimité dans laquelle il nous fait pénétrer. Paul nous dit ici : « Par révélation, Dieu m’a fait connaître le mystère » : ce mystère, c’est-à-dire son dessein bienveillant, Dieu le révèle progressivement ; tout au long de l’histoire biblique, on découvre toute la longue, lente, patiente pédagogie que Dieu a déployée pour faire entrer son peuple élu dans son mystère ; nous avons cette expérience qu’on ne peut pas, d’un coup, tout apprendre à un enfant : on l’enseigne patiemment au jour le jour et selon les circonstances ; on ne fait pas d’avance à un enfant des leçons théoriques sur la vie, la mort, le mariage, la famille… pas plus que sur les saisons ou les fleurs… l’enfant découvre la famille en vivant les bons et les mauvais jours d’une famille bien réelle ; il découvre les fleurs une à une, il traverse avec nous les saisons… quand la famille célèbre un mariage ou une naissance, quand elle traverse un deuil, alors l’enfant vit avec nous ces événements et, peu à peu, nous l’accompagnons dans sa découverte de la vie.
Dieu a déployé la même pédagogie d’accompagnement avec son peuple et s’est révélé à lui progressivement ; pour Saint Paul, il est clair que cette révélation a franchi une étape décisive avec le Christ : l’histoire de l’humanité se divise nettement en deux périodes : avant le Christ et depuis le Christ. « Ce mystère, n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. » A ce titre, on peut se réjouir que nos calendriers occidentaux décomptent les années en deux périodes, les années avant J.C. et les années après J.C.
Ce mystère dont parle Paul, c’est que le Christ est le centre du monde et de l’histoire, que l’univers entier sera un jour réuni en lui, comme les membres le sont à la tête ; d’ailleurs, dans la phrase « réunir l’univers entier sous un seul chef le Christ », le mot grec que nous traduisons « chef » veut dire tête.
Il s’agit bien de « l’univers entier » et ici Paul précise : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus » ; on pourrait dire encore autrement : l’Héritage, c’est Jésus-Christ… la Promesse, c’est Jésus-Christ… le Corps, c’est Jésus-Christ… Le dessein bienveillant de Dieu, c’est que Jésus-Christ soit le centre du monde, que l’univers entier soit réuni en lui. Dans le Notre Père, quand nous disons « Que ta volonté soit faite », c’est de ce projet de Dieu que nous parlons et, peu à peu, à force de répéter cette phrase, nous nous imprégnons du désir de ce Jour où enfin ce projet sera totalement réalisé.
TOUTES LES NATIONS SONT ASSOCIEES AU MEME HERITAGE
Donc le projet de Dieu concerne l’humanité tout entière, et non pas seulement les Juifs : c’est ce qu’on appelle l’universalisme du plan de Dieu. Cette dimension universelle du plan de Dieu fut l’objet d’une découverte progressive par les hommes de la Bible, mais à la fin de l’histoire biblique, c’était une conviction bien établie dans le peuple d’Israël, puisqu’on fait remonter à Abraham la promesse de la bénédiction de toute l’humanité : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,3). Et le passage d’Isaïe que nous lisons en première lecture de cette fête de l’Epiphanie est exactement dans cette ligne. Bien sûr, si un prophète comme Isaïe a cru bon d’y insister, c’est qu’on avait tendance à l’oublier.
De la même manière, au temps du Christ, si Paul précise : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus », c’est que celà n’allait pas de soi. Et là, nous avons un petit effort d’imagination à faire : nous ne sommes pas du tout dans la même situation que les  contemporains de Paul ; pour nous, au vingt-et-unième siècle, c’est une évidence : beaucoup d’entre nous ne sont pas juifs d’origine et trouvent normal d’avoir part au salut apporté par le Messie ; pour un peu, même, après deux mille ans de Christianisme, nous aurions peut-être tendance à oublier qu’Israël reste le peuple élu parce que, comme dit ailleurs Saint Paul, « Dieu ne peut pas se rejeter lui-même » (2 Tm 2,13). Aujourd’hui, nous aurions peut-être un peu tendance à croire que nous sommes les seuls témoins de Dieu dans le monde.
Mais au temps du Christ, c’était la situation inverse : c’est le peuple juif qui, le premier, a reçu la révélation du Messie et Jésus est né au sein du peuple juif : c’était la logique du plan de Dieu et de l’élection d’Israël ; puisque les Juifs étaient le peuple élu, ils étaient choisis par Dieu pour être les apôtres, les témoins et l’instrument du salut de toute l’humanité ; et on sait que les Juifs devenus chrétiens ont eu parfois du mal à tolérer l’admission d’anciens païens dans leurs communautés. Saint Paul vient leur dire « Attention… les païens, désormais, peuvent aussi être des apôtres et des témoins du salut ». Au fait, je remarque que Matthieu, dans l’évangile de la visite des mages, qui est lu également pour l’Epiphanie, nous dit exactement la même chose.
Les derniers mots de ce texte résonnent comme un appel : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus par l’annonce de l’évangile » : si je comprends bien, Dieu attend notre collaboration à son dessein bienveillant : les mages ont aperçu une étoile, pour laquelle ils se sont mis en route ; pour beaucoup de nos contemporains, il n’y aura pas d’étoile dans le ciel, mais il faudra des témoins de la Bonne Nouvelle.

EVANGILE – selon Saint Matthieu 2, 1-12

1 Jésus était né à Bethléem en Judée,
au temps du roi Hérode le Grand.
Or, voici que des mages venus d’Orient
arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu son étoile à l’orient
et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
3 En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé,
et tout Jérusalem avec lui.
4 Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple,
pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent :
5 « A Bethléem en Judée,
car voici ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n’es certes pas le dernier
parmi les chefs-lieux de Juda,
car de toi sortira un chef,
qui sera le berger de mon peuple Israël. »
7 Alors Hérode convoqua les mages en secret
pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;
8 Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :
« Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant.
Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer
pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
9 Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient
les précédait,
jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit
où se trouvait l’enfant.
10 Quand ils virent l’étoile,
ils se réjouirent d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison,
ils virent l’enfant avec Marie sa mère ;
et, tombant à ses pieds,
ils se prosternèrent devant lui.
Ils ouvrirent leur coffrets,
et lui offrirent leurs présents :
de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

L’ATTENTE DU MESSIE AU TEMPS DE JESUS
On sait à quel point l’attente du Messie était vive au temps de Jésus. Tout le monde en parlait, tout le monde priait Dieu de hâter sa venue. La majorité des Juifs pensait que ce serait un roi : ce serait un descendant de David, il régnerait sur le trône de Jérusalem, il chasserait les Romains, et il établirait définitivement la paix, la justice et la fraternité en Israël ; et les plus optimistes allaient même jusqu’à dire que tout ce bonheur s’installerait dans le monde entier.
Dans ce sens, on citait plusieurs prophéties convergentes de l’Ancien Testament : d’abord celle de Balaam dans le Livre des Nombres. Je vous la rappelle : au moment où les tribus d’Israël s’approchaient de la terre promise sous la conduite de Moïse, et traversaient les plaines de Moab (aujourd’hui en Jordanie), le roi de Moab, Balaq, avait convoqué Balaam pour qu’il maudisse ces importuns ; mais, au lieu de maudire, Balaam, inspiré par Dieu avait prononcé des prophéties de bonheur et de gloire pour Israël ; et, en particulier, il avait osé dire : « Je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël… » (Nb 24,17). Le roi de Moab avait été furieux, bien sûr, car, sur l’instant, il y avait entendu l’annonce de sa future défaite face à Israël ; mais en Israël, dans les siècles suivants, on se répétait soigneusement cette belle promesse ; et peu à peu on en était venu à penser que le règne du Messie serait signalé par l’apparition d’une étoile. C’est pour cela que le roi Hérode, consulté par les mages au sujet d’une étoile, prend l’affaire très au sérieux.
Autre prophétie concernant le Messie, celle de Michée : « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. » (Mi 5,1). Prophétie tout à fait dans la ligne de la promesse faite par Dieu à David : que sa dynastie ne s’éteindrait pas et qu’elle apporterait au pays le bonheur attendu.
Les mages n’en savent peut-être pas tant : ce sont des astrologues ; ils se sont mis en marche tout simplement parce qu’une nouvelle étoile s’est levée ; et, spontanément, en arrivant à Jérusalem, ils vont se renseigner auprès des autorités. Et c’est là, peut-être, la première surprise de ce récit de Matthieu : il y a d’un côté, les mages qui n’ont pas d’idées préconçues ; ils sont à la recherche du Messie et ils finiront par le trouver. De l’autre, il y a ceux qui savent, qui peuvent citer les Ecritures sans faute, mais qui ne bougeront pas le petit doigt ; ils ne feront même pas le déplacement de Jérusalem à Bethléem. Evidemment, ils ne rencontreront pas l’enfant de la crèche.
JESUS RENCONTRE DEJA L’HOSTILITE
Quant à Hérode, c’est une autre histoire. Mettons-nous à sa place : il est le roi des Juifs, reconnu comme roi par le pouvoir romain, et lui seul… Il est assez fier de son titre et férocement jaloux de tout ce qui peut lui faire de l’ombre … Il a fait assassiner plusieurs membres de sa famille, y compris ses propres fils, il ne faut pas l’oublier. Car dès que quelqu’un devient un petit peu populaire… Hérode le fait tuer par jalousie. Et voilà qu’on lui rapporte une rumeur qui court dans la ville : des astrologues étrangers ont fait un long voyage jusqu’ici et il paraît qu’ils disent : « Nous avons vu se lever une étoile tout à fait exceptionnelle, nous savons qu’elle annonce la naissance d’un enfant-roi… tout aussi exceptionnel… Le vrai roi des juifs vient sûrement de naître » ! … On imagine un peu la fureur, l’extrême angoisse d’Hérode !
Donc, quand Saint Matthieu nous dit : « Hérode fut bouleversé et tout Jérusalem avec lui », c’est certainement une manière bien douce de dire les choses ! Evidemment, Hérode ne va pas montrer sa rage, il faut savoir manœuvrer : il a tout avantage à extorquer quelques renseignements sur cet enfant, ce rival potentiel… Alors il se renseigne. D’abord sur le lieu : Matthieu nous dit qu’il a convoqué les chefs des prêtres et les scribes et qu’il leur a demandé où devait naître le Messie ; et c’est là qu’intervient la prophétie de Michée : le Messie naîtra à Bethléem.
Ensuite, Hérode se renseigne sur l’âge de l’enfant car il a déjà son idée derrière la tête pour s’en débarrasser ; il convoque les mages pour leur demander à quelle date au juste l’étoile est apparue. On ne connaît pas la réponse mais la suite nous la fait deviner : puisque, en prenant une grande marge, Hérode fera supprimer tous les enfants de moins de deux ans.
Très probablement, dans le récit de la venue des mages, Matthieu nous donne déjà un résumé de toute la vie de Jésus : dès le début, à Bethléem, il a rencontré l’hostilité et la colère des autorités politiques et religieuses. Jamais, ils ne l’ont reconnu comme le Messie, ils l’ont traité d’imposteur… Ils l’ont même supprimé, éliminé. Et pourtant, il était bien le Messie : tous ceux qui le cherchent peuvent, comme les mages, entrer dans le salut de Dieu.
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Compléments
– Au passage, on notera que c’est l’un des rares indices que nous ayons de la date de naissance exacte de Jésus ! On connaît avec certitude la date de la mort d’Hérode le Grand : 4 av JC (il a vécu de 73 à 4 av JC)… or il a fait tuer tous les enfants de moins de 2 ans : c’est-à-dire des enfants nés entre 6 et 4 (av JC) ; donc Jésus est probablement né entre 6 et 4 ! Probablement en 6 ou 5… C’est quand, au sixième siècle, un moine du nom de Denys le Petit a voulu – à juste titre – compter les années à partir de la naissance de Jésus, (et non plus à partir de la fondation de Rome) qu’il y a eu tout simplement une erreur de comptage.
– A propos de « l’Election d’Israël » : les mages païens ont vu l’étoile visible par tout un chacun. Mais ce sont les scribes d’Israël qui peuvent en révéler le sens… Encore faut-il qu’eux-mêmes se laissent guider par les Ecritures.

CHARLES PEGUY, ECRIVAIN FRANÇAIS, JESUS CHRIST, MEDITATIONS, NATIVITE DE JESUS, NOËL SELON CHARLES PEGUY, NOEL, POEME, POEMES, POETE FRANÇAIS

Noël selon Charles Péguy

Noël selon Charles Péguy

 

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Chaque poutre du toit…

Chaque poutre du toit était comme un vousseau.
Et ce sang qui devait un jour sur le Calvaire
Tomber comme une ardente et tragique rosée
N’était dans cette heureuse et paisible misère
Qu’un filet transparent sous la lèvre rosée.

Sous le regard de l’âne et le regard du bœuf
Cet enfant reposait dans la pure lumière.

Et dans le jour doré de la vieille chaumière
S’éclairait son regard incroyablement neuf.
Et ces laborieux et ces deux gros fidèles
Possédaient cet enfant que nous n’avons pas eu.

Et ces industrieux et ces deux haridelles
Gardaient ce fils de Dieu que nous avons vendu.
Et les pauvres moutons eussent donné leur laine
Avant que nous n’eussions donné notre tunique.

Et ces deux gros pandours donnaient vraiment leur peine.
Et nous qu’avons-nous mis aux pieds du fils unique ?
Ainsi l’enfant dormait sous ce double museau,
Comme un prince du sang gardé par des nourrices.

Et ces amusements et ses jeunes caprices
Reposaient dans le creux de ce pauvre berceau.
L’âne ne savait pas par quel chemin de palmes
Un jour il porterait jusqu’en Jérusalem

Dans la foule à genoux et dans les matins calmes
L’enfant alors éclos aux murs de Bethléem…
« Chaque poutre du toit… »,

Charles Péguy (1873-1914) est un écrivain, poète et essayiste. Le noyau central de toute son œuvre réside dans un profond patriotisme d’essence religieuse.

Ce poème est un extrait d’« Eve » où Charles Péguy évoque à la fois la chute et de la rédemption, le péché et la grâce.

GIOVANNI AMBROGIO BEVILACQUA, JESUS CHRIST, NATIVITE DE JESUS, NOËL, PEINTRE ITIALIEN, PEINTURE

Marie adorant l’enfant Jésus

Marie adorant l’enfant Jésus

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Giovanni Ambrogio Bevilacqua est un peintre lombard (Italie du Nord) de la haute Renaissance. Il fut actif à peu près en même temps que Léonard de Vinci (1452-1519) mais, contrairement à son illustre contemporain, il ne versa pas totalement dans le renouveau, s’attachant à réussir une aimable synthèse entre le réalisme et le symbolisme, entre les apports byzantins, giottesques, gothiques et renaissants qui ont marqué l’art italien pendant mille ans, du VIe siècle au début du XVIe.

Cet œuvre est l’un des rares témoins restant d’une technique de peinture originale, dite « tüchlein » en référence à Dürer. Cette technique consistait à peindre directement à la détrempe à l’œuf (tempera) sur du lin finement tissé non préparé. Les œuvres en conservaient un aspect mat très intéressant, mais elles se sont révélées fragiles et supportant mal les outrages du temps. La raison principale de l’utilisation de cette technique était son caractère beaucoup plus économique et pratique par rapport aux panneaux de bois enduits. Elle disparaîtra avec l’avènement de la peinture à l’huile sur toile de lin plus forte et apprêtée.

Au plus haut des Cieux, Dieu le Père émergeant de la nuée avec une armée de chérubins se penche vers la Terre des hommes. Devant lui, le chœur des anges chante l’hymne des Cieux :

«Gloria in excelsis Deo, et in Terra pax hominibus
bonae voluntatis.
»
«Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la Terre
aux hommes
: ils sont l’objet de sa volonté aimante(1) ».

Les adorateurs célestes sont tournés vers la Terre!

Mais que se passe-t-il donc sur Terre ? Ces anges dont l’éternelle mission est la louange de Dieu ne sont pas tournés vers lui au plus haut des Cieux, mais vers le plus bas de la Terre, contemplant manifestement le plus petit, le plus démuni, le plus nu des enfants des hommes ! Et sur Terre, celle qui est bénie entre toutes les femmes, loin de lever les yeux vers le Ciel, est toute consacrée – ô insondable mystère – à adorer cet enfant nouveau-né ! Son enfant certainement car, en écho au chant des anges, sa robe immaculée est parsemée du mot « PAIX » tissé d’or. Or l’Écriture annonce qu’elle sera la mère du Prince de la paix.

Et voici que le Tout-Puissant ne s’offusque pas que les anges et leur reine adorent le très-bas. Au contraire, la direction de son regard comme ses mains ouvertes montrent que non seulement il bénit et assume ce qui advient, mais encore que ce qui advient est l’accomplissement parfait de sa sainte volonté. Dans sa main gauche, il manifeste la clé de ce grand mystère : sa volonté, celle dont il entend qu’elle soit faite, sur la Terre comme aux Cieux, c’est que l’univers créé soit placé sous le signe de la croix, c’est-à-dire sauvé et transfiguré par son Fils unique engendré, avec lui et en lui.

En bas du tableau, le peintre nous donne à méditer le fin mot de la Bonne Nouvelle que raconte son œuvre : il cite le graduel grégorien (répons après l’épître) pour les messes des fêtes en l’honneur de la Vierge Marie :

Virga Jesse floruit:
Virgo Deum et hominem genuit:
Pacem Deus reddidit,
In se reconcilians ima summis.

Un rameau de Jessé a fleuri :
Une Vierge a enfanté celui qui est Dieu et homme :
Dieu a redonné la Paix,
Réconciliant en lui-même le très-bas et le Très-Haut. (2)

Ainsi, ce que le peintre a voulu manifester entre le pouce et l’index de la main gauche du Père, ce serait bien l’image de notre humanité appelée à être parfaitement transparente à la divinité de celui qui est né vrai Dieu et vrai homme de la Vierge Marie.

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  1. Traduction plus conforme au sens du grec original de l’Évangile (Lc 2, 13-14).
  1. Traduction de l’auteur

Marie, adorant l’Enfant Jésus (v. 1500-1510), Giovanni Ambrogio Bevilacqua (1474-1516), Gemäldegalerie, Alte Meister, Dresde, Allemagne. © BPK, berlin, dist. RMN-GP / Elke Estel / Hans Peter Klut.

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